Idées reçues sur la surdité : déconstruire les clichés pour mieux comprendre la réalité

1 décembre 2025

1. Idée reçue : « Les personnes sourdes n’entendent rien du tout »

Cette représentation binaire « entendant ou sourd » ne reflète pas la réalité. La surdité est un spectre large et chaque situation est unique.

La réalité de la surdité : un continuum de situations

  • Surdité légère à profonde : On distingue différents degrés de perte auditive, de légère à profonde. Selon l’Inserm, en France, près de 6 millions de personnes souffrent d’une perte auditive, dont seulement 70 000 présentent une surdité profonde congénitale ou acquise (source : Inserm).
  • Sourds, malentendants ou devenus sourds : Certains entendent partiellement, certains perdent l’audition avec l’âge, d’autres naissent avec une surdité.
  • Effet des aides auditives : Beaucoup de personnes disposent d’appareils, d’implants cochléaires ou d’autres dispositifs, mais l’amplification ne rend pas l’audition « normale ». Le traitement du son reste différent du naturel, parfois inconfortable dans le bruit.

Parler de « personnes sourdes ou malentendantes » (PSM) permet de prendre en compte cette diversité.

2. Idée reçue : « La surdité se voit toujours »

Un nombre important de personnes sourdes ou malentendantes vivent avec une surdité invisible. Cette « invisibilité » est souvent source de quiproquos ou de jugements rapides.

Pourquoi la surdité est souvent cachée

  • Appareillage discret : Les prothèses auditives modernes sont minuscules, parfois intra-auriculaires ou cachées derrière l’oreille.
  • Compensations : Beaucoup de personnes adaptent leur comportement pour masquer leur gêne, compensant par la lecture labiale, l’attention accrue, ou l’évitement des situations à risque.
  • Jeunes et adultes concernés : Selon la Fondation Pour l’Audition, une personne sur deux atteinte de surdité n’en parle pas à son entourage professionnel ou social (Fondation pour l’Audition).

Cette invisibilité favorise souvent des malentendus (« tu n’écoutes pas », « tu fais exprès »), alors qu’un aménagement simple, une attention ou la compréhension de la situation suffit à éviter des préjugés blessants.

3. Idée reçue : « Les personnes sourdes savent toutes lire sur les lèvres ou en langue des signes»

Il existe une grande diversité de parcours linguistiques, et croire que toutes les personnes sourdes communiquent de la même façon est une idée reçue encore très répandue.

Langues et modes de communication : diversité et adaptations

  • La lecture labiale n’est pas innée. Elle demande beaucoup d’entraînement et ne permet que de deviner en moyenne 30 à 40 % d’un message (source : UNAPEDA).
  • La Langue des Signes Française (LSF) est une langue à part entière, avec sa syntaxe, sa grammaire et sa culture. Mais toutes les personnes sourdes ne la pratiquent pas : selon la Fédération Nationale des Sourds de France, environ 100 000 personnes l’utilisent en France (FNSF).
  • D’autres personnes privilégient l’oralisation, la LPC (Langue française Parlée Complétée), l’écriture, parfois une communication mixte, en fonction de leur histoire, leur environnement familial ou scolaire, leur degré de surdité.

Il est donc essentiel de demander à la personne concernée son mode de communication préféré et de s’adapter.

4. Idée reçue : « La surdité empêche l’autonomie ou l’intégration »

Le quotidien des personnes sourdes, adultes ou enfants, est riche, varié et souvent bien éloigné d’une image d’isolement ou de dépendance.

Indépendance, scolarité, vie professionnelle : quels chiffres ?

  • Scolarité : Près de 80 % des enfants malentendants sont scolarisés en milieu ordinaire en France, grâce au développement de dispositifs d’accompagnement (SSEFS, AESH, adaptations pédagogiques ; source : Ministère de l’Education nationale).
  • Vie professionnelle : Selon l’Agefiph, 44 % des personnes en situation de handicap auditif ont un emploi en France, un taux proche de la moyenne nationale des travailleurs handicapés (Agefiph).
  • Vie quotidienne et sociale : Activités sportives, culturelles, engagement associatif : de plus en plus d’offres existent en Haute-Savoie et ailleurs, même si l’accessibilité reste un combat permanent.

Avec des adaptations et des outils adaptés, l’intégration et l’autonomie sont la norme, pas l’exception.

5. Idée reçue : « Les aides techniques compensent tout »

Les prothèses auditives et implants cochléaires ont beaucoup évolué, mais la technologie ne résout pas tout, et chaque ressenti diffère.

Ce qu’apportent (et ne peuvent pas apporter) les aides auditives

  • Appareillage : Les corrections auditives amplifient le son, mais n’isolent pas la parole du bruit, ne réparent pas le fonctionnement complexe de l’oreille interne ni la compréhension dans le brouhaha.
  • Implants cochléaires : Ils permettent souvent de « réentendre », mais l’apprentissage est long, la restitution du son différente de celle d’une audition naturelle, et certains sons restent difficiles à percevoir.
  • Aides accessoires : Boucles magnétiques, applications de transcription ou alarmes visuelles enrichissent l’autonomie, mais requièrent souvent un contexte adapté, une maintenance, et ne sont pas toujours financées intégralement.

Selon la CNSA, près de 2 millions de Français portent un appareil auditif, mais 1 Français sur 2 équipé en abandonne l’usage du fait d’attentes trop élevées ou d’un accompagnement inadapté (CNSA).

6. Idée reçue : « La surdité est une barrière à toute vie sociale »

L’isolement n’est pas une fatalité. Nombreux sont les exemples, à Annecy comme ailleurs, de groupes, d’associations ou de lieux de rencontre où la surdité ne freine en rien la vie sociale, bien au contraire.

Initiatives et clés pour une inclusion réussie

  • Clubs, groupes de parole, cafés-signes : Ils fleurissent depuis plusieurs années pour favoriser la rencontre, le partage, et rompre la solitude, surtout à l’annonce du diagnostic.
  • Mise en accessibilité : Sous-titrages, interprètes LSF, formation à la communication adaptée, événements culturels accessibles sont désormais régulièrement proposés dans des villes moyennes et grandes, y compris en Haute-Savoie.
  • Sensibilisation : De nombreuses interventions en établissements scolaires, en entreprises ou auprès du public permettent de démystifier la surdité et de changer le regard de la société.

Ce qui freine la vie sociale : ce n’est pas la surdité en soi, mais surtout le manque de compréhension, d’aménagement et de sensibilisation autour.

7. Idée reçue : « Les parents sont responsables de la surdité de leur enfant »

Ce préjugé peut plonger des familles dans une culpabilité injustifiée. Or, la majorité des cas de surdité chez l’enfant a une origine non liée aux comportements des parents.

L’origine des surdités de l’enfant : une grande diversité

  • Causes génétiques : C’est le cas le plus fréquent (près de 60 % des surdités néonatales d’après l’Inserm), indépendamment des antécédents familiaux directs.
  • Infections ou facteurs pendant la grossesse : Par exemple, la rubéole, le cytomégalovirus (CMV) ou le manque d’oxygène à la naissance sont des causes connues mais souvent imprévisibles.
  • Autres facteurs : Maladies infantiles, otites à répétition ou accidents concernent une minorité de cas.

Dans plus de 90 % des cas, les enfants sourds naissent de parents entendants (source : FNSF). Faire porter la faute sur les familles ajoute une souffrance inutile et infondée.

8. Idée reçue : « La surdité concerne seulement les personnes âgées »

Si la presbyacousie (perte d’audition liée à l’âge) est fréquente, la surdité touche chaque tranche d’âge, souvent dès la naissance.

Des chiffres pour casser ce cliché

  • Environ 1 enfant sur 1 000 naît avec une surdité profonde ou sévère en France (Société Française de Pédiatrie).
  • La perte auditive légère à moyenne concerne déjà 6 à 8 % des moins de 18 ans (HAS).
  • Selon l’OMS, sur les 466 millions de personnes dans le monde avec une déficience auditive, plus de 34 millions sont des enfants (OMS).

Beaucoup de jeunes enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes concernés sont donc invisibles si l’on ne pense la surdité que comme un souci lié au grand âge.

9. Idée reçue : « La surdité est un obstacle insurmontable à la parentalité ou à la vie de famille »

Nombreux sont les parents sourds ou malentendants qui mènent une vie de famille épanouie. La parentalité ne se limite jamais à l’audition.

Des familles soudées malgré – ou avec – la surdité

  • Modes de communication adaptés : Beaucoup de familles inventent des stratégies : langue des signes, objets lumineux ou vibrants, écriture, adaptations du téléphone.
  • Des professionnels accompagnent la parentalité sourde : associations, réseaux de médiation en maternité ou en crèche, ateliers parentalité accessibles, sensibilisations scolaires spécifiques.
  • La législation française protège le lien parent-enfant, pose des exigences pour l’accessibilité des services médico-sociaux et scolaires.

10. Aller au-delà des préjugés : l’importance d’un regard éclairé

Il est crucial d’alimenter une information fiable et positive, et de déconstruire ces idées reçues pour avancer vers une société réellement inclusive – que ce soit en Haute-Savoie ou ailleurs. S’informer est la première étape : pour adapter son accueil, ses pratiques, accompagner ses proches, ou encore militer pour plus d’accessibilité. N’hésitez pas à consulter les réseaux associatifs locaux (par exemple l’APES 74, la FNSF), à solliciter les plates-formes d’information nationales, ou à contacter des services spécialisés pour des soutiens concrets.

Chacun peut jouer un rôle dans ce changement de regard. La surdité n’est pas une barrière infranchissable, mais un trait particulier qui mérite d’être compris, accompagné, et valorisé, au cœur de la richesse de nos territoires.

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