Surdité de naissance, surdité acquise : deux réalités, des parcours singuliers

7 septembre 2025

Qu’est-ce qu’une surdité congénitale ? Un point de départ spécifique

La surdité congénitale désigne une perte auditive présente dès la naissance, qu’elle soit d’origine génétique, due à une infection pendant la grossesse, ou liée à d’autres facteurs. Selon Santé Publique France, entre 800 et 1000 enfants naissent chaque année en France avec une surdité sévère ou profonde (Santé Publique France).

  • Origines génétiques : représentent environ 50 à 60 % des cas (source : Orpha.net).
  • Causes environnementales prénatales : infections comme la rubéole, la toxoplasmose ou la cytomégalovirus (CMV), mais aussi exposition à certains médicaments.
  • Anomalies périnatales : manque d’oxygène à la naissance, prématurité, complications lors de l’accouchement.

Le dépistage précoce en maternité – obligatoire en France depuis 2012 – permet d’identifier rapidement la plupart des surdités congénitales, ce qui offre la possibilité d’engager un accompagnement très tôt.

La surdité acquise : un bouleversement suite à un parcours auditif "normal"

A l’inverse, la surdité acquise survient après une période où l’audition était normale. Elle peut apparaître à tout âge – chez l’enfant, l’adulte ou la personne âgée. Selon l’Inserm, 10 % de la population française vit avec une baisse d’audition, souvent acquise à l’âge adulte ou avec l’avancée en âge. Toutefois, des surdités acquises existent aussi chez l’enfant (infections virales, otites à répétition, traumatismes, bruit…).

  • Causes principales chez l’enfant : méningites (1ère cause infectieuse), otites chroniques, exposition à des bruits forts, certains traitements médicaux (aminosides...)
  • Chez l’adulte : vieillissement (presbyacousie), exposition professionnelle au bruit, traumatismes crâniens, maladies auto-immunes, effets secondaires de traitements lourds.

La particularité : la surdité acquise, survenant parfois brutalement, entraîne un réel travail d’adaptation et, plus encore, de deuil du mode de communication initial. Cette transition est souvent socialement et psychologiquement difficile.

Impact sur la communication et le développement

Pour les enfants sourds de naissance : la question cruciale du langage

Lorsqu’un enfant naît sourd ou malentendant, la question de l’accès au langage se pose d’emblée : car entendre, c’est la voie principale par laquelle on acquiert la langue parlée. L’accompagnement précoce et le choix du mode de communication (langue des signes, LPC, implants cochléaires, appareillage, oralisation seule ou en combinaison…) vont directement impacter le développement langagier et cognitif.

  • Sans prise en charge adaptée, on observe un risque de retard dans l’acquisition du langage parlé, du vocabulaire et de la lecture.
  • L’accès à la langue des signes française (LSF), précoce, joue un rôle fondamental pour de nombreux enfants, tant sur le plan de la communication que de la structuration du raisonnement (FISAF).

En cas de surdité acquise : l’enjeu de la réadaptation

Chez l’enfant entendant devenu sourd, il existe déjà une base langagière orale. L’enjeu va alors être la préservation de cette base et l’ajustement des stratégies de communication (lecture labiale, français signé, recours aux outils électroniques…). L’adaptation psychologique occupe ici une place centrale.

Pour l’adulte, le bouleversement est souvent vécu comme une rupture : sentiment d’exclusion, d’isolement social, difficulté à conserver son emploi... Selon un rapport de l’ANAP, jusqu’à 60 % des adultes perdant l’audition signalent des répercussions fortes sur la vie professionnelle et sociale.

Vivre avec la surdité : des besoins et des parcours d’accompagnement différents

Accompagnement de la surdité congénitale : dispositifs spécifiques

Les familles font souvent face à une montagne d’informations complexes à la naissance d’un enfant sourd. Les enjeux : identifier les professionnels clés, choisir un projet linguistique, trouver les aides adaptées.

  • Intervention précoce : CAMSP, SESSAD, orthophonistes, éducateurs spécialisés… L’objectif : accompagner la famille dans les choix éducatifs et la communication.
  • Dispositifs d’inclusion scolaire : ULIS, dispositif d’accompagnement individuel, présence d’AVS, Pôles d’Appui à la Scolarité (PAS).
  • Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) : versée selon le taux de handicap, sur décision de la MDPH.

Selon l’UNAPEI, le délai d’obtention de la première notification d’aide à la MDPH après dépistage précoce peut atteindre 6 à 9 mois : d’où l’importance de se faire accompagner dans les démarches dès le début.

Pour la surdité acquise : ressources et dispositifs évolutifs

L’apparition soudaine ou progressive d’une surdité impose de modifier son environnement de vie, ses habitudes et parfois même son rapport aux autres. Voici quelques éléments clés de l’accompagnement :

  • Bilan et appareillage : audioprothésiste ou implantation cochléaire selon l’indication médicale.
  • Soutien psychologique : prise en charge recommandée lors du diagnostic de surdité acquise brutale (ex : après une méningite).
  • Prises en charge pécuniaires : PCH (Prestation de Compensation du Handicap), allocations adultes handicapés (AAH), aides à l’aménagement du poste de travail, sensibilisation de l’employeur (AGEFIPH).
  • Associations d’entraide et groupes de parole : France Acouphènes, Bucodes SurdiFrance, Unanimes, etc.

Les délais d’accès à certaines aides peuvent être longs : anticiper, être entouré et bien informé facilite énormément la transition.

La question de l’identité et du parcours personnel

L’expérience de la surdité façonne une partie de l’identité. Pour la personne sourde de naissance, l’appartenance à la communauté sourde et la culture sourde peuvent devenir primordiales, voire structurantes dans le développement personnel. L'acquisition de la langue des signes, la fréquentation de pairs sourds et le lien avec des modèles de réussite sont des facteurs très structurants pour l’estime de soi et le sentiment d’appartenance (Culture Sourde).

A l’opposé, la surdité acquise, parfois vécue sur le mode de la perte ou du handicap, entraîne souvent une adaptation identitaire. Les personnes peuvent être tiraillées entre deux mondes : celui de l’entendant "d’avant" et celui de la surdité "nouvelle". L’accompagnent peut alors viser l’appropriation d’une nouvelle identité, l’acceptation et la découverte de formes de communication autres, après parfois une phase de refus ou de révolte.

Enjeux actuels et perspectives pour l’accompagnement en Haute-Savoie

Que l’on soit concerné par la surdité congénitale ou acquise, l’un des points centraux reste l’accès à l’information claire et aux réseaux de soutien, en particulier dans des territoires comme la Haute-Savoie où l’accès aux structures spécialisées peut représenter un défi.

  • Le réseau de la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF) propose des antennes régionales et des ressources spécifiques pour chaque situation : www.fnsf.org
  • Un outil précieux : les plateformes Locomotive (Envol 74, Adèle de Glaubitz…) facilitent la coordination et l’accompagnement en Haute-Savoie.
  • Un enjeu fort reste la formation et la sensibilisation continue des professionnels de santé et de l’Éducation nationale.

Les attentes principales des familles et des adultes sourds ou malentendants demeurent constantes : information fiable, rapidité de l’accompagnement, diversité des choix de communication, accessibilité des lieux publics et de la culture, lutte contre les préjugés encore trop fréquents.

Dans cette dynamique, chaque parcours mérite une réponse individualisée, respectueuse des choix et des besoins, avec pour boussole l’inclusion et l’ouverture à la diversité.

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