Quand un choc à la tête bouleverse l'audition : comprendre la surdité après un traumatisme crânien

3 octobre 2025

De la violence du choc au trouble de l’audition : comment ça se produit ?

En France, on estime entre 155 000 et 170 000 le nombre d’hospitalisations annuelles pour traumatisme crânien (Santé Publique France, 2021). Ces accidents concernent tous les âges, avec des pics chez les enfants et les jeunes adultes, souvent sportifs, mais aussi chez les seniors lors de chutes domestiques.

Le traumatisme crânien regroupe différentes situations, du simple coup sans gravité aux atteintes profondes du cerveau ou des structures voisines, comme l’oreille interne, le nerf auditif ou les os du crâne. Dans près de 1 à 3 % des cas, une surdité, parfois partielle, parfois totale, apparaît dans les suites directes ou différées (Audition Infos).

Les mécanismes principaux de la surdité post-traumatique

  • Lésions de l’oreille interne : Un choc, même « modéré », peut provoquer un déplacement ou une fracture du limaçon (« cochlea »), organe clé de l’audition, voire des mécanismes vibratoires (étrier, enclume, marteau). Cela entraîne une surdité dite .
  • Atteinte du nerf auditif : Un traumatisme, en particulier sur la base du crâne (fracture « transversale »), peut endommager le nerf qui transmet les sons vers le cerveau. C’est la cause principale de surdité irréversible après choc (Revue Médicale Suisse, 2018).
  • Rupture de la chaîne des osselets : Si la fracture concerne l’oreille moyenne, la transmission mécanique du son est rompue. C’est une surdité , qui peut parfois être corrigée chirurgicalement.
  • Fistule périlymphatique et fuite de liquide intracochléaire : Il peut arriver que le choc crée une brèche, entraînant une fuite du liquide qui baigne l’oreille interne, ce qui entraîne une perte d’audition brutale.
  • Atteinte cérébrale : Plus rarement, certaines zones du cerveau responsables de l’interprétation des sons peuvent être endommagées, entraînant des troubles auditifs centraux (ce qu’on entend n’a plus de sens, ou mal identifié).

Chaque mécanisme implique des prises en charge différentes, mais tous ont en commun la nécessité d’un diagnostic rapide et précis.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Parfois, la surdité post-traumatique est immédiatement visible : la personne entend moins bien, n’entend plus du tout d’une oreille, a une impression d’oreille bouchée, ou ressent des acouphènes (bourdonnements, sifflements). D’autres symptômes doivent aussi attirer l’attention :

  • Perte soudaine totale ou partielle de l’audition dans une ou deux oreilles
  • Vertiges ou troubles de l’équilibre (souvent associés à une atteinte de l’oreille interne, qui gère aussi l’équilibre)
  • Écoulement de liquide clair ou de sang par l’oreille (pouvant indiquer une fracture)
  • Troubles de la compréhension des sons, alors que l’oreille semble « normale »
  • Bourdonnements ou sifflements persistants

Il arrive que la perte auditive se manifeste avec un délai, surtout chez l’enfant, ou soit mise sur le compte de la fatigue post-accident. Un dépistage systématique est recommandé en cas de traumatisme crânien impliquant la zone temporale du crâne, même si aucune gêne n’est rapportée dans les premières heures (Société Française d’ORL).

Quels examens pour poser le diagnostic ?

La prise en charge commence le plus souvent aux urgences, par une évaluation des différentes fonctions vitales et une recherche de signes associés (fracture, perte de conscience, douleurs, etc.). Pour le volet auditif, plusieurs examens complémentaires sont possibles :

  1. L’examen clinique : Observation du conduit auditif, recherche de plaie, hématome, écoulement.
  2. Audiométrie : Réalisée dès que possible, elle mesure le seuil d’audition et précise la nature de la surdité (transmission, perception).
  3. Imagerie médicale : Un scanner du crâne est parfois indispensable, surtout en cas de suspicion de fracture ou de saignement interne.
  4. Tests oto-émission acoustique et potentiels évoqués auditifs : En particulier chez l’enfant ou la personne non-verbale, ils permettent d’évaluer le fonctionnement de la cochlée et du nerf auditif sans collaboration active.

Il est primordial de réaliser ces examens rapidement, car certaines atteintes sont médicalement urgentes, et de nombreux protocoles préconisent un bilan ORL dans les 24 à 72 heures (CHU Toulouse).

Quels sont les traitements et évolutions possibles ?

La prise en charge dépend de la localisation et de la gravité de la lésion auditives :

  • Surdité de transmission par rupture des osselets : La réparation chirurgicale propose parfois de bons résultats, notamment lorsque la lésion est localisée et accessible par voie mini-invasive.
  • Surdité neurosensorielle liée à une atteinte de l’oreille interne ou du nerf auditif : Les résultats sont plus incertains. Les traitements d’urgence incluent parfois des corticoïdes, mais l’efficacité reste limitée.
  • Fistule périlymphatique : Une exploration chirurgicale peut être envisagée pour colmater la fuite, surtout si la perte d’audition est brutale et associée à des vertiges intenses.
  • Atteinte centrale : Les stratégies de rééducation orthophonique et d’aide à la communication sont la règle.
  • Appareillage auditif ou implant cochléaire : Dès que la situation est stabilisée, une discussion sur l’appareillage n’est jamais à écarter. Il s’agit alors d’un parcours multidisciplinaire, avec bilan et suivi adapté.

Il faut savoir que près de 60 % des surdités post-traumatiques sont permanentes, mais environ 40 % peuvent s’amender totalement ou partiellement avec le temps, la chirurgie ou l’appareillage (source : Revue Médicale Suisse). L’apparition d’acouphènes ou de troubles de l’équilibre en fait souvent partie du tableau et nécessite un accompagnement spécifique.

Conséquences au quotidien : témoignages et points d’appui

La vie après un accident crânien avec perte auditive ne se réduit pas à la seule réparation médicale. Les retentissements sociaux et psychologiques sont majeurs :

  • Déficit de communication, isolement, baisse de l’estime de soi
  • Difficultés scolaires chez l’enfant, nécessité d’adaptations pédagogiques
  • Sensibilité accrue aux environnements bruyants et fatigabilité accrue
  • Besoin fréquent d’un accompagnement psychologique ou d’un soutien familial spécifique
  • Nécessité de démarches administratives pour reconnaissance du handicap auditif (RQTH, MDPH…)

Dans le département de Haute-Savoie, les structures de soutien existent : centres d’audiologie, services d’accompagnement auprès de la MDPH, consultations spécialisées au CH Annecy-Genevois ou au CHU Grenoble, et réseau d’associations capables de relayer l’information et de conseiller sur les démarches à suivre. Utiliser ces dispositifs précocement aide à limiter les répercussions, tant physiologiques que psychosociales.

Quelques chiffres clés sur la surdité après traumatisme crânien

  • Environ 3 à 7 % des fractures du rocher (partie osseuse de l’oreille interne) entraînent une surdité définitive (EM Consulter).
  • 20 à 40 % des personnes avec surdité post-traumatique souffrent également d’acouphènes sévères.
  • Chez l’enfant, la surdité passe à côté dans 1 cas sur 4 par retard de diagnostic (ORL France).
  • Les accidents de la route restent la première cause de traumatisme crânien chez l’adulte jeune, suivis de la pratique de sports à risque (ski, VTT, sports de combat).

Démarches et accompagnements spécifiques en Haute-Savoie

En cas de suspicion ou de diagnostic avéré de surdité post-traumatique, plusieurs démarches sont recommandées :

  1. Bilan ORL complet auprès d’un spécialiste : Contactez un service ORL (CH Annecy, cabinets spécialisés, audioprothésistes partenaires) pour évaluer l’étendue de la perte auditive.
  2. Reconnaissance administrative du handicap : La MDPH Haute-Savoie accompagne pour la demande d’Allocation Adulte ou Enfant Handicapé, l’obtention de la RQTH, et l’adaptation scolaire ou professionnelle.
  3. Suivi psychologique et social : Se rapprocher d’associations ou d’assistantes sociales spécialisées permet de rompre l’isolement et d’obtenir des conseils ciblés sur les droits et les adaptations.
  4. Rééducation orthophonique et suivi audioprothétique : Des orthophonistes formés à la surdité sont présents sur le territoire. L’appareillage auditif peut être pris en charge partiellement ou en totalité selon la situation.

Associations comme l’URAPEDA Auvergne Rhône-Alpes, SURDIFRANCE 74 ou l’ADAPEI 74 peuvent également orienter, soutenir, et proposer des solutions adaptées, y compris pour les familles concernées par une double problématique (audition et handicap cognitif ou moteur).

Pistes d’espoir et perspectives scientifiques

La recherche ouvre aussi de nouvelles perspectives pour l’avenir. De récentes études sur les facteurs de régénération des cellules ciliées de l’oreille interne, ou sur la protection du nerf auditif lors de trauma, laissent entrevoir des avancées encourageantes (Inserm, 2022). Les innovations en implants cochléaires et prothèses auditives numériques permettent déjà aujourd’hui des compensations beaucoup plus fines et personnalisées qu’il y a dix ans.

Faire connaître ces réalités, c’est améliorer la prévention, encourager le dépistage précoce et rappeler qu’en cas de doute, il ne faut jamais hésiter à consulter après un choc crânien, même minime. Enfin, s’informer, s’entourer de professionnels et participer à la vie associative restent des leviers essentiels pour relever ensemble les défis de la surdité post-traumatique, ici en Haute-Savoie comme ailleurs.

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